Les chroniques atmosphériques des 3 - Chronique 12


EXPIATION

J’ai passé la dernière semaine à mon chalet de Sainte-Geneviève. C’est à une vingtaine de minutes de route de Trois-Rivières (en outrepassant un tantinet les limites de vitesse!), si bien que je ne suis pas obligé de m’exiler là-bas quand je m’embarque dans de gros travaux de construction. Cette semaine, par exemple, même si j’ai passé le plus clair de mon temps à cet endroit, je n’y ai dormi que la nuit dernière.

Hier, en début de journée, j’ai eu la visite de Pierre, qui a pratiqué sa guitare pendant que je dallais l’allée menant à mon tout nouveau palier surplombant la rivière Batiscan. En fin d’après-midi, nous avons apprécié le point de vue offert par mon «grand œuvre» en buvant une bouteille de vin de dépanneur que nous sommes allés quérir au village (un soi-disant vin australien tellement sucré qu’il aurait pu être utilisé comme sirop de table). Et c’est ainsi que nous avons baptisé le nouvel attrait de mon vaste aménagement, à observer l’onde du cours d’eau, à épier les oiseaux, et –moins bucolique- à parler des femmes. En soirée, gros repas de viande (au village, le boucher vend encore du steak de mammouth) sur le B.B.Q. Puis digestion devant le feu de mon foyer extérieur sous un ciel criblé d’étoiles.

Ça replace les fluides de s’affranchir un peu du tumulte de la ville. Et, en plus, j’ai la satisfaction du devoir accompli. Comme je l’ai déjà dit, les matériaux que je m’étais fait livrer pour la réalisation de mon palier dormaient depuis un an sur mon terrain d’en haut. Ce qu’il faut savoir pour comprendre l’envergure du projet, c’est que mon terrain comporte deux niveaux : le premier, sur le bord de la route municipale, où est assis le chalet; et le second, une vingtaine de mètres plus bas, où j’aménage depuis six ans le terrain avec l’ambition d’en faire un véritable jardin botanique. Comme le seul accès carrossable vers ce niveau est un long escalier d’une quarantaine de marches, l’unique façon d’acheminer les matériaux jusqu’en bas est de les descendre «à bras», un à un, gros et petits (dalles, blocs, pierres, poutres, bandes de ciment, sacs de poussière de pierre, etc), tel un bagnard volontaire. De cette manière, j’ai descendu au fil de mes étés des dizaines de tonnes de matériaux. Très bon pour le cardio! J’ai déjà l’impression d’avoir évacué toutes les mauvaises toxines accumulées dans mon organisme pendant le long hiver.

Pierre, en me voyant charger sur mon épaule une bande de ciment de quarante kilos :
- Ouais. T’as une belle façon de fêter la Saint-Jean Baptiste!
- Si on était à Pâques, je m’autoflagellerais en plus! de lui répondre.

Michel