Les chroniques atmosphériques des 3 - Chronique 9



LA VIGUEUR DU SALON 2008

Cette année, j’avais pas mal moins d’interviews ou de conférences que lors de l’édition 2007 du SLTR (Salon du livre de Trois-Rivières). Avec mes trois séances de signature (deux pour Pierre-Tisseyre et une autre pour Le Sabord avec mes acolytes Fred et Pierre), une table ronde, une «Paroles d’écrivain» (à l’occasion de laquelle j’ai présenté la genèse de Locoleitmotive) et une entrevue pour une radio régionale, je peux dire que j’ai pu vivre le salon de façon plus décontractée, qu’il m’a été permis d’en prendre le pouls, à titre de participant certes, mais également à titre de visiteur et d’observateur. Dommage que ma pneumonie et mon otite m’aient ralenti dans mon désir de tout embrasser (activités et gent féminine). D’ailleurs, ma vision d’ensemble a sûrement été brouillée sous l’effet des antibiotiques. Que je prends depuis une semaine.

Le SLTR est devenu un événement important dans mon calendrier existentiel. Année après année, c’est l’occasion de rencontrer mon lectorat et de connaître d’autres auteurs et éditeurs, autant de la région que de l’extérieur. Parmi ceux-ci, Benoît Bouthillette, auteur de La Trace de l’escargot, et Jennifer, éditrice à La Bagnole. Ce ne sont là que quelques exemples. Le SLTR est un salon aux dimensions humaines mais il n’en demeure pas moins qu’il accueille plus de 11 500 visiteurs et quelques centaines d’auteurs et d’artisans de l’industrie du livre (remarquez ici le bel oxymore que je viens de commettre involontairement!).

Bref, la liste des rencontres que j’ai faites pourrait prendre une page complète : fans, ami(e)s d’enfance et d’adolescence (que je n’avais pas revus, parfois, depuis l’école primaire : «Hey, Michel, tu me reconnais-tu?»), anciens professeurs, parents éloignés, anciennes blondes des décennies passées, collègues blogueurs ou lecteurs de notre blogue. Une jungle bigarrée foisonnante de souvenirs et de surprises, et qui permet, contacts aidant, d’ouvrir des perspectives.

Ma rencontre la plus incongrue, je l’ai faite samedi soir lors de la soirée des exposants qui se tenait à L'Hexagone, le bar du complexe Delta où avait lieu le salon. À un moment donné, je suis sorti de la salle pour aller fumer (oui, oui, je sais, pas brillant le gars atteint d’un pneumonie…) dehors. Un type à l’allure un peu rustaude mais à l’approche très conviviale grillait, seul, une cigarette sous l’abri des accros de la nicotine.

Au début, je pensais qu’il aurait pu s’agir d’un animateur de stand ésotérique (genre Urantia) ou d’un vendeur de babioles (comme on en retrouve toujours en marge des salons du livre : cartographes médiévaux, magiciens, mascottes, marchands de calembours, etc). Mais non, le gars parlait du chaud accueil de ses lecteurs. Il s’agissait bel et bien d’un auteur. D’un auteur de quoi? D’une théorie sur le bonheur? D’un livre sur la bière artisanale? D’une monographie à compte d’auteur? Monographie, non; mais autobiographie, oui, compris-je bientôt en écoutant les reproches que mon interlocuteur adressait aux journalistes des années ’80. J’étais en présence de Yve Lavigueur, auteur du livre sur les Lavigueur, ouvrage qui a inspiré la série télévisée sur les Lavigueur, cet exercice de réhabilitation de la désormais célèbre famille québécoise qui a eu le malheur de remporter le gros lot à la loterie nationale, en 1986, et qu’on a tournée au ridicule, méchamment, pendant des lustres. Son livre est, en quelque sorte, un «Antibougon», si je puis me permettre un autre référent télévisuel.

Quoi qu’il en soit, je lui ai demandé s’il avait d’autres projets, dans le domaine fictionnel par exemple, pour changer. En fait, je voulais lui donner l’occasion de sortir de son moule, enfin. Je me disais, oui, le type s’est adonné à une thérapie cathartique en écrivant son autobiographie, peut-être veut-il maintenant devenir autre chose que le produit de lui-même. Mais non, pas du tout! Yve Lavigueur veut traîner son propre personnage, encore et encore. Il m’a même confié qu’il voulait écrire une pièce de théâtre sur sa famille! Un «anti-Précieuses ridicules»? Il semblerait donc que l’homme ne se soit pas encore lassé de brasser les marécages de son adolescence humiliée. Se rendra-t-il à la prochaine étape? C’est-à-dire à celle des produits dérivés? Peut-être le reverra-t-on un beau jour en marge d’un autre salon du livre en train de vendre des figurines des membres de sa famille…

Michel