La chronique du Profanateur - Chronique 14

NDLR : Cette chronique du Profanateur est un inédit

LE PÉRIL JAUNE

Oui, je sais, dans notre monde aseptisé, il n’est plus permis de parler contre qui que ce soit. La littérature haineuse a été mise à l’Index. Mais, tout de même, il doit bien rester un peu d’espace quelque part pour que l’honnête citoyen puisse exprimer ses craintes légitimes. Avec les débordements de la Chine, au sens politique comme au sens démographique du terme, il y a sûrement lieu de s’agiter un peu. Or, je m’agite!

Soyons lucides : après le Tibet, ce sera le tour des autres pays minoritaires de se faire bouffer par le Dragon affamé. La Chine a déjà fait son entrée par l’ouest, jusqu’au Québec, qui commence à subir une acculturation semblable à celle dont sont victimes les Tibétains. L’impérialisme chinois gruge une à une nos institutions : c’est le cas de nos dépanneurs qui, hélas, n’appartiennent plus à notre riche patrimoine. Inquiétant, en effet, de devoir acheter son billet de 6/49 en mandarin. Avant longtemps, dans les frigidaires, il n’y aura plus que des «six-pack» de saké.

Et ce n’est qu’un début. Les Chinois, ô profanation suprême, ont commencé à acheter nos cabanes à sucre, symbole même de notre identité ancestrale. J’ai eu tout un choc, la semaine dernière, quand, avec des collègues de travail, je me suis rendu à une partie de sucre. Dans une érablière récemment acquise par des Chinois.

D’abord, le bâtiment traditionnel avait subi des modifications considérables : il s’agissait, ni plus ni moins, d’une pagode en bois rond! En entrant dans l’enceinte, plusieurs Chinois occupaient la plupart des tables à pique-nique et écoutaient religieusement le groupe en spectacle sur la scène, non pas une troupe folklorique de chez-nous, mais bien des artistes débridés (ce qui est surprenant pour des Asiatiques) qui faisaient un show de karaoké sur des airs de Rock Egg Roll. Derrière les chanteurs, en remplacement des danseurs en ligne, des lutteurs sumo se battaient dans une petite piscine remplie de sirop d’érable.

Malgré notre attitude terrorisée, de charmantes geishas sont venues nous chercher et nous ont assigné une table déjà dressée. Dressée, le mot n’est certes pas approprié. Comme seuls ustensiles, il n’y avait que des foutues baguettes chinoises, bien sûr. Nous appréhendions le moment où il nous faudrait manger notre soupe aux pois…

Mais il n’y a pas eu de soupe au pois, pas plus que de jambon ou de crêpes. Tout avait été substitué pour bien nous faire comprendre que nous n’étions plus vraiment au Québec mais dans une nouvelle colonie chinoise. Au menu : du pâté chinois, bien entendu! Des Confucius (et non pas nos grands-pères à nous) dans le sirop. Et, crime de lèse-majesté, nos oreilles de Christ, abjuration oblige, avaient été changées pour des oreilles de Bouddha.

Nous sommes sortis de l’établissement sans même prendre une bouchée, croyez-moi! Dehors, des Chinois fébriles s’agglutinaient autour des bacs à neige. Au moins, avant de nous sauver, peut-être nous serait-il possible de nous tortiller une bonne palette de tire d’érable. Je me suis donc fait un chemin jusqu’à un bac dans lequel figeaient, ô bonheur, de belles coulées de substances dorées. Ma joie fit bientôt place à la nausée quand j’ai porté à ma bouche la friandise tant espérée! Les salauds, ils avaient remplacé la tire par de la sauce aux prunes!

Hors de moi, j’ai renversé les bacs au sol, un à un, jusqu’à ce que la police chinoise vienne se saisir de moi. Dans les colonies chinoises, une telle dissidence n’est pas tolérée, je l’ai appris à mes dépens. Je croupis depuis dans un sombre camp de concentration du Chinatown local. J’attends qu’Amnistie Internationale publie une photo de moi dans les journaux et que le gouvernement canadien fasse des pressions auprès du Consulat chinois de Saint-Prosper afin que je puisse obtenir ma libération. En attendant, les tortionnaires m’ont attaché au tronc d’un érable, la tête sous un chalumeau, et me font subir le supplice sino-québécois de la goutte d’eau d’érable.Michel