SE PLAINDRE POUR ÊTRE AIMÉ(E)

Dimanche soir dernier, comme des millions de téléspectateurs, j’ai écouté l’émission TOUT LE MONDE EN PARLE, version «made in Québec». Et ce n’est pas inscrit dans mes habitudes, non pas parce que je snobe ce type de show au large public mais bien parce que mes occupations font en sorte que le temps que je consacre à la télévision est très limité.

Dimanche, j’ai donc cédé à la tentation parce que je savais que l’écrivaine Marie-Sissi Labrèche faisait partie de la brochette d’invités à l’occasion de la sortie sur grand écran de l’adaptation cinématographique de son roman BORDERLINE. À titre de professeur de littérature au Collège Laflèche, j’avais déjà accueilli à deux reprises l’expansive demoiselle afin qu’elle vienne nous parler de son œuvre et de son processus créatif. Le personnage coloré (je parle de l’auteure !) avait remporté un vif succès chez nous et elle a su également capter l’attention à l’émission de Guy A. Lepage. Son impudeur y a été pour quelque chose. Souvent, dans ce genre de show, l’invité de marque est celui qui se prête au jeu de l’animal de foire.

Sur le même plateau, une autre écrivaine : Audrey Benoît. Tout de même, me suis-je dit, ce n’est pas à tous les jours qu’on s’intéresse à deux auteurs lors d’une seule émission de TOUT LE MONDE EN PARLE !

Le hic, c’est que bon nombre des invités profitent de leur passage pour se travestir en humaniste, ou en sociologue. Audrey Benoît n’a pas échappé au piège. Questionnée au sujet de l’inconscient collectif québécois, elle a déclaré –ô cliché!- que le Québec a un problème identitaire et que cela expliquerait son manque d’ouverture. Personnellement, je ne crois pas que nous ayons, à l’ère de la mondialisation, un problème identitaire plus aigu que celui des autres nations. Et je ne souscris certainement pas à la thèse selon laquelle nous serions xénophobes ou protectionnistes. Quand on considère le rayonnement du Québec, ne serait-ce que dans le domaine culturel, je trouve au contraire que notre petit peuple d’irréductibles tire très bien son épingle du jeu. Et son pluralisme n’est pas étranger à ce succès.

Audrey Benoît, ex-mannequin de calibre international, est devenue écrivaine. Elle a eu la chance en 2005 de participer à l’émission TOUT LE MONDE EN PARLE, version française de France, avec Ardisson. Ce qui lui a permis d’être remarquée, on s’en serait douté.

Dimanche, alors qu’elle nous exposait sa thèse sur l’identité québécoise, Audrey Benoît s’est, du même souffle, apitoyée sur son sort. Elle a prétendu qu’il est beaucoup plus difficile d’être pris au sérieux dans le paysage littéraire quand on est une femme : ô cliché ! Elle s’est plainte qu’à titre d’ex-mannequin on ne s’intéressait à elle que pour cet aspect de son cheminement. Ou encore qu’on ne lui accordait une aura que parce qu’elle avait fréquenté une star de la chanson. Je ne souscris pas à sa thèse misérabiliste, je l’ai dit plus haut, mais son attitude lors de l’émission, je dois l’avouer, constitue une belle illustration de cette thèse !

Après son intervention moralisatrice, je n’en savais pas plus sur ses livres. En aucun moment, elle n’a parlé de son œuvre ou de son processus créatif. Tout ce que je retiens de son passage, c’est qu’elle nous apparaît comme une pauvre petite ex-mannequin victime de sa grande beauté et à laquelle on n’accorde pas la crédibilité qui lui reviendrait. Victime, oui, parce qu’elle a bien voulu nous présenter cette image d’elle-même.


Michel