La chronique du Profanateur – Chronique 11

NDLR : Cette Chronique du Profanateur est un inédit.


ACCROPLEX : UN CASINO À TROIS-RIVIÈRES


Aujourd’hui, suite à la polémique provoquée par l’ouverture d’un casino à Trois-Rivières, L’ACCROPLEX, Le Profanateur reçoit nul autre que le porte-parole de Loto-Québec, monsieur Jack Black.

PROFANATEUR : Bonjour, monsieur Black. Sans plus tarder, je vous pose ma première question : Trois-Rivières avait-elle besoin d’un casino ?

BLACK : Trois-Rivières, peut-être pas, mais l’État, oui. Nous avons besoin des profits générés par les casinos du Québec pour subventionner, entre autres, nos programmes de soutien pour les personnes souffrant de dépendance au jeu. Comprenez que les casinos d’État ne sont pas des vaches à lait mais bien des œuvres caritatives.

P. : Décidément, le ministère de la Propagande vous a bien préparé pour cette entrevue. Laissez-moi tout de même creuser davantage. Je reformule ma question : L’implantation d’un tripot dans notre région n’est-elle pas une taxe sur l’illusion susceptible de créer d’innombrables maux sociaux ?

B. : Vous savez, l’État québécois taxe à peu près tout, même la taxe fédérale ! Alors pourquoi l’illusion échapperait-elle à la fiscalité gouvernementale ? Quoi qu’il en soit, vous me semblez alarmiste, cher Profanateur. Il y a surtout une multitude d’avantages à avoir un casino dans votre ville.

P. : Vraiment ?

B. : L’ACCROPLEX va contribuer à la diversité culturelle de Trois-Rivières en attirant chez vous des organismes des quatre coins du monde. Pensons notamment à la mafia sicilienne, aux triades chinoises, à la pègre russe, ou encore aux chefs de guerre afghans. Bref, une pluie de capitaux va s’abattre sur vous !

P. : Très convaincant. Et quels sont les jeux que l’ACCROPLEX offre à la population trifluvienne ?

B. : Bien sûr, il y a les courses de chevaux, les machines à sous et les populaires tables de black jack. Toutefois, nous avons innové avec des tables de strippe poker pour accommoder les naturistes et nous offrons aux jeunes des activités extrêmes, comme ils les aiment, avec entre autres la roulette russe et les jeux du cirque. Et c’est sans parler de tous les autres services collatéraux proposés par le casino.

P. : Vous évoquez probablement les services de recouvrement pour les joueurs endettés…

B. : Non, je faisais allusion au service de bar et au service de garderie.

P. : Une garderie dans un casino?

B. : Bien sûr. Avec le bébé boom que connaît actuellement le Québec, nous n’avions pas le choix d’offrir ce service aux jeunes parents joueurs. Et puis, si jamais ces parents quittent l’ACCROPLEX avec des dettes, nous gardons leurs enfants en consignation jusqu’à ce que l’État soit remboursé. Les affaires sont les affaires. Et vice-versa.

P. : Et si les parents ne réussissent pas à réunir la somme due ? Ces pauvres enfants sont réduits à la prostitution infantile, je suppose ?

B. : Que racontez-vous là ! L’État est, au sens de la loi, une personne morale. Nous avons notre code d’éthique. D’ailleurs, la prostitution, qu’elle soit infantile ou gérontophile, est encore illégale au Québec. Non, nous avons justement choisi de transformer l’irresponsabilité des parents qui ne viennent pas payer leur dette à la société en bienfait pour cette même société. Si, au bout de quinze jours, nous ne sommes pas remboursés, eh bien, les enfants des joueurs appartiennent, certes, au domaine public. Et comme rien ne se perd et rien ne se crée, nous avons constitué une banque d’organes frais fort enviable dont tous les hôpitaux du Québec peuvent bénéficier.

P. : Merci beaucoup, monsieur Black, pour ces précisions qui, j’en suis certain, rassureront les groupes de pression locaux qui condamnent l’ACCROPLEX. Tous auront compris maintenant que l’État québécois veut faire du citoyen un parieur responsable.



Michel