
NDLR: La version originale de cette chronique du Profanateur est parue dans la revue ERRATUM en novembre 1992
Hommage au cardinal Léger
Depuis qu'il est six pieds sous terre et habité par les vers, jamais le cardinal Léger n'aura aussi bien représenté ses admirateurs: les lépreux. Une décennie et demie après son décès, le tiers-monde est encore en deuil. Il pleure toujours sa version masculine de la «sœur volante», cet archange ultraléger et ultramontain, descendu du ciel nordique pour soulager l'acné chronique.

On se rappelle que Son Éminence avait quitté le Québec décadent de la Révolution tranquille, une nation de citoyens en forme mais à l'âme malade, pour se vouer à la Léproserie, une nation de citoyens difformes mais à l'âme malléable. Durant son exil dans ce bouillon de cultures, que de boutons il a crevés, que de gales il a rabotées! Il en est mort d'ailleurs, ne lui restant plus que la peau sur les os, pour le peu de peau qu'il lui restait.
Son nom sera bientôt ajouté à la liste déjà trop longue des Saints Martyrs canadiens. Qu'on se rappelle du bon père Brébeuf que les Iroquois ont transformé en bréboeuf bourguignon. Ou du curé Black Labelle, parti combattre non pas le pustule d'Idi Amine Dada, mais plutôt la varice de Séraphin Poudrier. Oui, ces sacrifices étaient nobles et édifiants pour le rayonnement de la foi chrétienne et cela impliquait que nous devions pleurer des disparus. Le cardinal n'en finit plus de nous manquer. À l'occasion du 16e anniversaire de sa putréfaction, le Vatican a autorisé les prêtres du Québec à prolonger son souvenir dans les rituels ecclésiastiques. Lors de l'eucharistie, le traditionnel vin de messe sera dorénavant remplacé par du scotch St. Leger.
Michel